La nouvelle est tombée cette semaine et on pouvait s’y attendre en raison du contexte sanitaire actuel : selon l’INSEE, le chômage a explosé en France ce troisième trimestre de 1,9% pour atteindre 9% de la population active soit 2,7 millions de chômeurs.
Des chiffres qui cachent une dure réalité, celle d’une précarité en constante hausse. Mais est-ce que ces chiffres représentent au mieux cette réalité ? Comment le taux de chômage est calculé ?
Qui et comment décide t’on qu’une personne est au chômage ?
En France, deux institutions fournissent les chiffres du chômage : la DARES (Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques) et l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques).
La DARES est l’agence publique chargée de collecter les données liées au marché du travail en France et par conséquent celles liées au chômage. Pour cela, elle s’appuie sur la base de données de Pôle emploi.
Toutes personnes touchant les différentes indemnisations chômages doivent être inscrites auprès de cet organisme. Ces inscriptions sont la matière première permettant à la DARES de publier ses chiffres.
L’INSEE est l’agence publique chargée de la production, de l’analyse et de la publication statistiques officielles en France : inflation, PIB, recensement de la population, chômage, etc. Chaque trimestre, elle effectue une « enquête emploi » sous forme de sondage afin de définir le taux de chômage.
Et là le problème commence : la définition du chômage diffèrent selon l’organisme.
LA METHODE DE LA DARES
La DARES fonde ses chiffres sur les inscriptions auprès de Pôle emploi.
Pour Pôle emploi est considéré comme chômeur toute personne inscrite auprès de leur service. Ensuite, selon son profil elle va sera classée dans l’une de ses fameuses catégorie allant de A à E :
- A : Personne sans emploi, tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi, à la recherche d’un emploi quel que soit le type de contrat (CDI,CDD, à temps plein, à temps partiel, temporaire ou saisonnier)
- B : Personne ayant exercé une activité réduite de 78 heures maximum par mois, tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi
- C : Personne ayant exercé une activité réduite de plus de 78 heures par mois, tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi
- D : Personne sans emploi, qui n’est pas immédiatement disponible, et qui n’est pas tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi (demandeur d’emploi en formation, en maladie, etc.)
- E : Personne pourvue d’un emploi, et qui n’est pas tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi
L’ensemble des chiffres sont publiés pour chaque catégorie, mais lorsque vous entendez dans les médias que « le chômage est de X %» il s’agira des données de la catégorie A. En conclusion pour Pôle Emploi, une personne est au chômage lorsqu’elle est inscrite chez elle et recherche activement un travail.
Au 3ème trimestre 2020, 3 673 400 personnes sont sans emploi d’après Pôle emploi.
Mais alors pourquoi Pôle emploi présente un chiffre bien plus élevé que ceux de l’INSEE ? Car, nous allons voir que l’INSEE ne compte pas les séniors qui ne sont pas en âge de travailler, certaines personnes déclarant ne plus rechercher activement un travail, etc.
LA METHODE DE l’INSEE
Une méthode basée sur la définition du Bureau International du travail (BIT)

De son côté, L’INSEE utilise la définition du Bureau International du Travail (BIT) adoptée en 1954 et précisée en 1982. Pour être comptabilisé dans les chiffres du chômage de cette agence il faut :
- Être sans emploi et avoir plus de 15 ans.
- Rechercher activement un emploi
- Être disponible pour travailler
Cette définition est reprise par la plupart des pays dans le monde et plus particulièrement au sein de l’Union européenne. C’est la force de cette définition : elle permet d’avoir une mesure comparable entre les différents pays.
Afin d’obtenir ses chiffres trimestriels, l’INSEE réalise une « enquête emploi » sous la forme d’un sondage sur 100 000 foyers (panel d’individus âgés de 15 ans ou plus représentatifs de la population française).
DARES v. INSEE : AVANTAGE INSEE
La définition offerte par le BIT et reprise par l’INSEE a deux avantages majeurs face à celle de Pôle emploi et de la DARES.
En utilisant une norme reprise dans la plupart des pays du monde, l’INSEE publie des chiffres permettant d’être comparés.
Mais surtout, la définition du BIT permet d’obtenir des chiffres moins superficiels prenant en compte des populations excluent par Pôle emploi. Par exemple l’indépendant : imaginez, vous être le patron d’une PME, votre entreprise est liquidée et vous vous retrouvez sans emploi et donc sans revenu. La première chose que vous allez effectuer c’est une recherche d’emploi. Et bien sachez que vous ne serez pas comptabilisé par la DARES comme étant au chômage. En effet, vous n’avez pas le droit à l’indemnisation, il y a donc de fortes chances que vous ne vous inscrivez pas auprès des services de Pôle emploi. Pas d’inscription pas de comptabilisation.
Le problème se pose aussi pour les jeunes diplômés.
Les chiffres de Pôle emploi sont de facto biaisés. Mais ceux de l’INSEE ne sont pas dénués d’inconvénients. Par exemple, une personne qui n’a pas d’emploi mais n’en cherche pas ne sera comptabilisée ni par la DARES, ni pas l’INSEE. Une alternative existe : le taux d’emploi.
Le taux d’emploi, l’alternative au taux de chômage
Interrogé par Le Figaro, André Zylberberg, économiste français spécialités du marché du travail et directeur de recherche émérite au CNRS déclare :
« Les deux baromètres sont équivalents. En revanche, il serait économiquement plus intéressant de calculer le taux d’emploi qui indique le nombre de personnes en emploi. En France, par exemple, ce taux est relativement faible ».
— André Zylberberg

Le taux d’emploi est la proportion de personnes disposant d’un emploi parmi celles en âge de travailler (15 – 64 ans). Contrairement au BIT, cette donnée permet d’éviter d’exclure des personnes qui ne sont pas en recherche active de travail : père/mère au foyer, personnes préférant vivre aux minimas sociaux, etc.
Et en voyant ce tableau, la France semble avoir un sérieux problème à mobiliser sa main d’œuvre disponible.
Taux d’emploi | |
---|---|
Islande | 79.31 |
Suisse | 79.09 |
Pays-Bas | 77.29 |
Japon | 77.00 |
Allemagne | 76.28 |
Nouvelle-Zélande | 76.17 |
Royaume-Uni | 75.40 |
Suède | 75.29 |
Norvège | 74.44 |
République tchèque | 74.23 |
Danemark | 74.05 |
Estonie | 72.10 |
Lettonie | 72.01 |
Australie | 71.88 |
Lituanie | 71.56 |
Autriche | 71.38 |
Finlande | 70.96 |
Canada | 70.37 |
Slovénie | 69.84 |
Russie | 69.70 |
Union européenne (28 pays) | 69.53 |
Hongrie | 68.64 |
Pologne | 67.89 |
Portugal | 67.67 |
G7 | 67.28 |
République slovaque | 67.21 |
Luxembourg | 67.11 |
Union européenne – 27 pays (à partir du 01/02/2020) | 66.80 |
États-Unis | 66.30 |
Zone euro (19 pays) | 66.22 |
Israël | 66.15 |
Irlande | 65.85 |
Corée | 65.66 |
OCDE – Total | 64.63 |
Belgique | 64.43 |
France | 64.43 |
Mexique | 62.48 |
Espagne | 58.92 |
Italie | 57.13 |
Colombie | 56.09 |
Grèce | 55.24 |
Chili | 52.58 |
Turquie | 45.46 |
Afrique du Sud | 36.39 |
En France le taux d’emploi est de 64,43,%, derrière la moyenne de la zone euro (66,22%) et loin derrière de la moyenne de l’Union européenne.
64,43% de taux d’emploi soit 35,57% de la population en âge de travailler qui sont sans emploi. Un chiffre à mettre en perspective face au dernier chiffre du chômage de l’INSEE : 9%.
De quoi mettre du grain à moudre chez les nombreuses personnes décrivant la France comme un pays de fainéants.
Sources : Allocation-chomage.fr, OCDE, Le Figaro, Le Monde